La disparition du travail : 1ère partie, le mythe de la désindustrialisation.

La disparition du travail : 1ère partie, le mythe de la désindustrialisation.

La « désindustrialisation » n’existe pas.

Si la disparition des puits de mines entre Douai et Béthune, peut être qualifiée de désindustrialisation, il n’en est pas moins vrai que nous avons assisté dans le même temps à l’industrialisation de la production intellectuelle. Cette industrialisation de la production intellectuelle qui nous atteint jusqu’au guichet d’accueil des banques où l’employé est tenu de respecter un « script de dialogue » et d’appliquer des « meilleures pratiques » pour répondre aux sollicitations des clients.

Industrialiser les services aux personnes est un danger pour le bien-être des employé.es comme pour celui des client.es, des patient.es, des usagers.

L’industrialisation des relations commerciales, comme c’est le cas aux guichets ou au téléphone, vient toucher directement les relations humaines dans les activités de services aux personnes. Quand elle s’applique aux soins, elle devient un danger pour les individus.

Cette industrialisation des réflexions et des décisions en vient à faire disparaître l’intelligence des relations. Elle est maltraitante et fait place le plus souvent aux injonctions paradoxales générée par l’écart entre le la communication « corporate » de l’organisation (entreprise ou association) et ce qui se passe réellement sur le terrain où l’employé.e se trouve confronté.e à une incapacité à faire face aux demandes spécifiques ainsi qu’aux particularités intrinsèques des individus.

C’est le processus d’industrialisation qui est à l’œuvre dans les centres d’appels nationaux ou internationaux, où toute l’activité humaine est mesurée, millimétrée et évaluée à la seconde près. C’est toujours cette industrialisation des services qui nous révoltent parfois, en tant que patient, lorsque nous nous heurtons à la désertification de la santé.

Identifier le coupable pour être en mesure de résister à tous les niveaux de la société.

Parler de « désindustrialisation » aujourd’hui en étant uniquement centré sur la production de biens (voiture, marchandise) vient directement occulter le fait que c’est bien le processus d’industrialisation qui continue de poser problème, puisqu’il s’applique désormais sans frein, aux services à la personne.

L’industrialisation des services est nocive pour ce qu’elle fabrique de « standardisé » et ce qu’elle sous-entend en termes de métiers pour celles et ceux qui y travaillent.

Envie d'aller plus loin sur ce sujet ?

Quelle production en France en 2040 ?

C’était le titre de l’ambitieuse étude prospective de l’Institut National de Recherche et de Sécurité en 2016 (télécharger ici) qui se pose la question de savoir quelles sont les conséquences de l’évolution des modes et méthodes de production en France pour la santé et la sécurité au travail. L’INRS est une association loi de 1901 scientifique et technique qui travaille à la prévention des risques professionnels. Ses publications sont destinées notamment et entres autres, aux chefs d’entreprise, décideurs, managers. Sur le site de l’INRS, on comprend qu’ils sont plutôt centrés sur la production qu’il est convenu dans certains milieux de qualifier de type « industrielle » et qu’ils sont moins à l’aise avec la production des services, marchands ou non marchands.

Vu le domaine d’activité de l’INRS et sa spécialisation sur les risques, l’étude prospective sur la production a porté principalement sur les évolutions des modes et méthodes induisant les plus grandes modifications en termes de gestion de risque pour la santé, d’accidents du travail et de maladies professionnelles. Elle est particulièrement riche en informations si on s’intéresse au regard que portent ces institutions sur l’organisation scientifique du travail et ses effets à court, moyen et long terme.

Pour organiser les idées, le rapport de l’INRS commence par un rappel historique de l’évolution de la production.

D’abord le passé d’une désindustrialisation de la Production

C’est un fait. Indiscutable.

Dans cette période qui va de 1990 à aujourd’hui, le territoire a connu une « désindustrialisation » qui a contribué largement à l’installation d’un chômage structurel. Nous pouvons même visualiser la disparition des activités dites « industrielles » sur la carte de France proposée par « Les décodeurs » du journal Le Monde ::

Evolution de la Production en France sur les 25 dernières années

Visualisez les zones les plus touchées par ce phénomène depuis vingt-cinq ans (plus la couleur est foncée, plus le pourcentage d’emploi industriel est important) qui correspondent à vingt-cinq ans de désindustrialisation dans les départements français – Les Décodeurs – Le Monde du 19 09 2016

Cette désindustrialisation a des causes identifiées, dans l’externalisation, la délocalisation, l’automatisation des activités de production industrielle.

Production, Industrialisation, quelques définitions

Déjà, à ce stade de la lecture, nous ressentons l’importance pour bien se comprendre, de préciser ce dont on parle ici. Après tout, on ne voit pas la même flamme quand on est pompier ou pyromane. Et ça commence, par les mots dont chaque interlocuteur pense connaître la définition appliquée au contexte où il intervient. Si c’est probablement le cas pour les chercheurs et les experts, ce n’est sûrement pas le cas pour l’ensemble de leurs lecteurs et encore moins quand ces lecteurs proviennent d’univers d’activités et de cultures totalement différentes des leurs.

Nous avons donc ressenti le besoin de procéder à quelques rappels sémantiques. L’INRS trouvant ses sources notamment auprès de l’INSEE, il nous a donc semblé naturel de commencer par nous y référer. Et de chercher la définition de la « production industrielle », du point de vue statistique de l’INSEE.

D’après l’INSEE, l’indice de la production industrielle (qu’ils appellent « IPI », ils ont de l’humour à l’INSEE) est un instrument statistique qui permet de suivre l’évolution mensuelle de l’activité industrielle de la France. Si l’on se réfère à la classification traditionnelle des activités économiques en trois secteurs, les « IPI » se rapportent au secteur dit secondaire : usines, chantiers, mines et carrières. 

 

Nous, chez AntiZèle, nous imaginions davantage les IPIs dans les prés… mais bon. Oui je sais, mais c’est pour voir ceux qui suivent. Il y a interro écrite après.

Et puis, nous avons cherché d’autres sources. Autre son de carillon à l’OCDE où la Production industrielle est définie sensiblement différemment de l’INSEE. On y ajoute la production de l’énergie, en partie.

Pour l’OCDE, la production industrielle désigne la production des « entités industrielles » et recouvre des secteurs tels que l’extraction minière, les activités manufacturières et les services publics collectifs (électricité, gaz et eau). Cet indicateur prend alors la forme d’un indice qui exprime les variations de volume de production par rapport à une période de référence.

Une étude statistique transversale de 2004 à 2016, remaniée, grâce aux outils personnalisables en ligne sur le site de l’OCDE peut donner ce genre de résultat, qui mesure les emplois de l’industrie incluant la construction, selon la définition des « entités industrielles ».

On voit dans ce tableau, que la France reste relativement stable en matière d’emploi dits de production industrielle entre 2004 et 2016 alors que la même période analysée par l’INSEE donne un graphique sensiblement à la baisse comme la copie du tableau du rapport de l’INRS le démontre ensuite.


On le voit bien, c’est le terme même de « désindustrialisation » qui pose question.

Parce qu’il ne prend pas en compte l’industrialisation des services, menée tambour battant par les outils informatiques et accentués via la main mise opérée sur l’activité humaine par le contrôle de gestion.

Et le travail, dans tout ça ?

 

A suivre…

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