Comment réagir quand le télétravail devient maltraitant ?
Après deux mois en télétravail, le retour au bureau peut poser problème ou au contraire être vécu comme une délivrance. Dans tous les cas, la reprise n’est pas anodine et les sentiments se mélangent. Avoir été confiné.e c’est potentiellement avoir été mis.e en difficulté. Nous ne sommes pas tous égaux face aux situations de télétravail. L’espace personnel devient un espace mixte, à la fois intime et public. Faire le point sur les impacts et sur les mécanismes à l’oeuvre quand le télétravail devient maltraitant peut aider à sortir d’une situation qui parait figée.
Je n’ai pas envie de retourner au travail.
Quelque chose a changé en moi et je ne vois plus la vie de la même façon
Parce que le confinement n’a pas été vécu par tout le monde de la même manière. Nous avons, été confronté.es à nous-mêmes, à notre famille, à notre conjoint, à nos ami.es, à nos collègues, à notre hiérarchie, en proximité ou à distance, via les réseaux. Ça en fait du monde !
La place privilégiée qu’a le travail dans notre vie devient plus complexe à tenir, pour l’employé.e, comme pour le Manager.
Les nombreuses contraint.es des différents espaces de vie, privé, professionnel, rendent la tâche plus complexe qu’il n’y paraît. Ces espaces physiques peuvent ne plus répondre à nos besoins, sans que cela n’y paraisse immédiatement. Les espaces partagés entre le travail rémunéré ou non, et les huis clos intimes vécus lors du confinement ont montré les limites de l’exercice. Les situations privées ou professionnelles qui débordent et mettent en jeu nos quotidiens ont pu provoquer des tensions, Alors nous avons parfois manqué d’air frais et d’espaces de liberté quand le télétravail devient maltraitant.
Télétravailler, c’est un métier. Je n’ai reçu aucune formation pour l’exercer. Je m’adapte comme je peux à la situation et ils devraient tous me remercier au lieu de me critiquer.
Le télétravail nécessite des ressources particulières.
On ne s’invente pas « télétravailleur.euse ».
Même si la notion de métier devient de plus en plus floue pour les organisations, elle reste fondamentale. Un métier dépend non seulement des compétences de l’employé.e mais aussi de compétences spécifiques et individuelle. On n’active pas les mêmes expériences, les mêmes compétences, qu’on soit en face d’un individu ou qu’il soit au téléphone. Si une grande partie de ces compétences sont transférables d’une activité à une autre, il n’en reste pas moins qu’un travail ne s’exécute pas de la même façon en face à face, qu’à distance. En résumé, la visioconférence c’est bien, mais ça ne fait pas tout.
Le télétravail est méconnu parce que le travail est volontairement rendu invisible, par facilité de gestion.
Le télétravail en soi a amené son lot de complications. Les technologies ne sont pas homogènes, en place à tous les niveaux et les méthodes de travail ainsi que les méthodes de management n’ont pas pu être transposées automatiquement. Elles ont nécessité des adaptations.
En effet, il est impossible de gérer une classe à distance comme on la gère en présentiel. Il est impossible de ne pas tenir compte de l’humain quand tous les individus sont en « crise » comme ça a été le cas lors du confinement.
Pendant le confinement, les élèves étaient ravi.es que je fasse cours à distance. Depuis la fin du confinement, les élèves sont plus difficiles à capter, leur attention est davantage portée sur l’extérieur, les ami.es, les proches. C’est tout à fait compréhensible mais c’est très différent de la situation en classe.
Il en va de même pour l’encadrement. Il est impossible de « gérer » les individus, à distance, comme on peut le faire de façon directe, au bureau. Se limiter à mesurer un résultat d’activité sans considérer la complexité de la tâche et la qualité du travail effectué, ou encore le temps nécessaire à le réaliser est devenu encore plus anxiogène pour l’employé.e dans un contexte où tout était à revoir, ou presque.
Les activités elles-mêmes sont perturbées quand le télétravail devient maltraitant.
On ne peut pas travailler à la maison comme on travaille au bureau. La seule différence de l’espace de travail (incluant le matériel, la connexion, le bureau, etc.) est un élément à prendre en compte. Le temps qu’on y consacre et qui vient potentiellement « manger » le temps de la relation aux proches, vient aussi modifier le ressenti. Les responsables qui n’ont pas su, pu, ou voulu prendre en compte ces changements sont devenu nocifs. Ils ont à leur décharge de ne pas avoir été accompagné.es pour ce changement dans leurs pratiques. Mais ils en ont la responsabilité s’ils ne font pas évoluer cette situation.
Les ordres et désordres du travail nous déstabilisent dans notre quotidien.
Dans une situation de télétravail, les injonctions sont contradictoires et semblent parfois paradoxales.
Quand je comprends que je ne serai pas en capacité de répondre à l’ordre de ma Direction, ça me met extrêmement mal à l’aise, même si malheureusement j’en ai pris l’habitude.
Les institutions (entreprises, administrations) qui n’ont pas pris en compte ces nouvelles données sont responsables de la souffrance et de la maltraitance induites par leurs directives, leurs injonctions.
Et donner l’ordre de faire, quand on sait que les moyens n’y sont pas, c’est maltraiter l’individu dont ce sera la tâche. Mesurer cette tâche ou mesurer le fait qu’elle n’a pas été accomplie, après coup, sans tenir compte du contexte, c’est maltraiter l’individu une deuxième fois, le faire souffrir encore plus. L’institution, collectivement, est responsable de cette maltraitance.
Alors comment réagir ?
Quand les choses se sont mal passées, retourner au bureau, au travail, dans les locaux de cette institution quelle qu’en soit la taille, c’est difficile à faire. Ça demande du courage et une grande motivation. C’est même un risque pour l’individu qui se sent en total décalage avec les valeurs induites par ces comportements maltraitants.
Alors ce risque est à prendre en compte, à identifier et à comprendre.
Quand les choses se sont mal passées, la remise en cause de l’engagement professionnel est rude dans une période économique où la prudence est de mise. On ne change pas d’environnement professionnel comme de chemise et parfois ce n’est pas la bonne solution. Dans ces moments-là un espace d’échange, de dialogue, respectueux et bienveillant devient essentiel.
C’est ce que nous voulons proposer ici, chez #AntiZèle